Crise au Nicaragua : nouvel accord entre l’opposition et le gouvernement
Un nouvel accord a été conclu au Nicaragua, le premier depuis la reprise des négociations le 27 février 2019, entre le gouvernement du président Daniel Ortega et l’opposition, représentée par l’Alliance civique pour la Justice et la Démocratie (ACJD). L’objectif, mettre fin à une profonde crise politique et économique débutée au mois d’avril 2018, dont la répression des manifestations a déjà fait 325 morts et conduit à plus 700 arrestations d’opposants.
Comprendre la crise politique au Nicaragua
En 2006, l’ancien guérillero sandiniste Daniel Ortega, qui gouverna le pays de 1979 à 1990 au travers d’une politique marxiste (étatisation de l’économie, nationalisation, alphabétisation) est élu président. Toutefois, Daniel Ortega entreprend une métamorphose de son programme politique, abandonnant l’idéologie de l’Union soviétique au profit d’une politique libérale, répondant ainsi aux exigences du FMI. De 2007 à 2018, le gouvernement applique alors une politique favorable au patronat mais répressive vis-à-vis de la société civile, notamment par l’interdiction de manifester.
En avril 2018, pour combler l’important déficit du système public de santé, le gouvernement Ortega impose une réforme de la sécurité sociale. Celle-ci se traduit majoritairement par une diminution des allocations et une augmentation des cotisations aussi bien pour les salariés que pour les employeurs. Dès lors, l’indignation d’une partie de la population conduit à une série de manifestations, amorcées tout d’abord par les étudiants, puis rejointes par les paysans. La répression sanglante qui s’en suit, menée par la police et des mouvements paramilitaires pro-Ortega, telle la jeunesse sandiniste, est exposée au grand jour par les médias. Le gouvernement prend donc la décision, le 22 avril 2018, de retirer la réforme de la sécurité sociale. Cependant, cela ne suffit pas à calmer la contestation. À l’inverse celle-ci se généralise et prend de l’ampleur. Désormais, l’opposition réclame la démission de Daniel Ortega dont la fin du mandat est prévue en 2021.
Au mois de mai 2018, une première tentative pour rassembler l’opposition émerge avec la création de l’ACJD qui réunit étudiants, paysans, défenseurs des droits humain, syndicats et le Conseil Supérieur des Entreprises Privées (COSEP). A la vue du contexte particulièrement tendu, les premières négociations s’ouvrent entre l’opposition et le gouvernement. L’Église a, quant à elle, un rôle de médiateur dans ce processus. Ces négociations qui se soldèrent par un échec entraînent la poursuite des manifestations et plongent le pays dans une importante crise économique. A partir du mois d’août 2018, le gouvernement met en place une série d’arrestations ciblées, afin de priver l’opposition de ses leaders, et s’attaque à la liberté d’information par la censure des médias et des ONG. Si cette répression met un terme aux manifestations, elle n’atteint pas la situation économique du pays qui continue de se dégrader.
Vers une sortie de la crise nicaraguayenne ?
Après 10 mois de crise qui firent 325 morts, plus de 700 opposants emprisonnés et entrainèrent l’exil de 50 000 Nicaraguayens, le président Daniel Ortega s’est résolu, le mercredi 27 février 2019, à reprendre les négociations avec l’opposition.
S’il a été annoncé que l’objectif des pourparlers était de trouver une issue à la crise politique, il semble que la situation économique et l’isolement du pays sur la scène internationale en étaient les réels motifs. En effet, due à la situation du Venezuela, avec l’affaiblissement de Nicolàs Maduro, le président nicaraguayen a perdu l’appui de l’un de ces plus fidèles alliés, avec les retombées économiques qui s’accompagnèrent (rupture des exportations pétrolières du Venezuela vers le Nicaragua). Dès lors, Daniel Ortega n’a plus eu d’autres choix que de reprendre le dialogue avec l’opposition, afin de limiter les sanctions internationales (États-Unis, Union Européenne) et maintenir sa présidence jusqu’en 2021.
Après un mois de négociations, avec une nouvelle fois l’Église dans le rôle du médiateur, un accord a été conclu entre le gouvernement et l’opposition, représentée par l’ACJD. Par ce dernier, Daniel Ortega s’engage notamment à rétablir le droit de manifester, respecter la liberté d’expression et d’information, désarmer les milices paramilitaires et surtout libérer l’ensemble des opposants détenus dans un délai de 90 jours. Si ces promesses sont un premier pas vers une sortie de la crise, il est peu probable qu’elles mettent un terme aux contestations. En effet, les manifestants réclament avant tout la démission de Daniel Ortega et une justice pour les crimes commis. Or, sans un réel soutien de la communauté internationale, s’accompagnant de réelles sanctions envers le président Ortega, les exactions commises envers le peuple nicaraguayen risquent de perdurer et déstabiliser le contexte politique et économique régional.